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Entre le souvenir et le rêve d’un voyage à Paris



Entre le souvenir et le rêve

Entre la ciguë et la sève

Mon cœur tendait ses pièges

Traquait sifflait tentait

Se plaisait au tendre de la nuit

 

Ma flèche menaçait de s’effondrer

Et l’orgueil à mes pieds

Creusait un corridor frêle

Rouge comme l’ivoire d’éléphant

Au milieu de cette nouvelle savane

Parasitées par d’étranges odeurs

 

J’étais entré rêves nus dans la capitale

Bourré et bourru

Quasi en apnée

Les wagons grinçaient leurs plaintes

Une foule postillonnée sur les quais

La gare de l’Est s'échappait

À ma vue à reculons

Petite

Sale

Grise

 

Les premiers pavés carrés et dodus

Soulevaient mes pieds avec force

Tout de suite une vieille hargneuse

Menteuse comme une gitane

Me lança son flash pleine face

Crachant que c’était cinquante francs

La photo de baptême

Elle avait flairé le puceau de province

L’arbrisseaux apeuré

Elle avait eu dix mille fois raison

Sur moi comme sur mes économies

Dévalisé j’avais fui

L’étendue de ce malaise

Volé par une femme édentée

 

M’éloignant de cette défaite initiale

M’entortillant dans le métro

Les passagers semblaient des hublots

Fermés comme des tourelles de chars

Des chenilles à leurs pieds

Dans leurs yeux des rasoirs

À double-tour dans un Smartphone

 

Les quenottes serrées

Sur le sol apeuré

Sortir à la première cheminée

À la première fournée

Quitter l’édifice du serpent

Dont nous étions le venin

Le poison lent mais certain

 

Carbonisé et en cendres

La lumière retombée d’un faux ciel

Par morceaux et artificielle

Les néons et enseignes clignotant

Le jour revenu en contre-plongée

D’escalators se chevauchant

 

Dehors des zombies d’architecture

Suaient grosses gouttes fière allure

Assourdissant comme des soupirs

De victimes subliminales

Touchées comme par légions

Plus rien n’arrêtait ma terreur

Kalachnikov de l’horreur

Des affiches et graffitis partout

Comme du vomi mitraillé

Un trafic sur la beauté

Vendue sous le manteau seulement

Les yeux fermés sur le courage

S’alignant sur le carnage

J’allais en aveugle le plus souvent

 

Puis il y avait eu l’odeur âcre

Tour Saint-Jacques de Bagatelles

Lieu de saintes péronnelles

Et de ses emportements  

Des snacks aux kilomètres

Entourés de lavoirs et de tabacs

De marcheurs au pas de l’oie

De joggeurs asthmatiques

De vendeurs à la sauvette

 

L’édicule place Chatelet

Œuvrait de sa bouche art déco

Fée de fonte et lave émaillée

Balustrade sur le passé

Gobait la foule par escarmouches

Pieds pressés du Métropolitain

Portiques sculptés et hauts candélabres

Dans une houle divisée qui sabre  

Jusqu’au dernier humain

 

Quartier de la Trinité tête empouillée

A même le sol sur des tissus épais

Coupée du monde un être reculait

Chaque nuit plus loin dans l’humanité

Au jour le jour le flou acrobatique

Faisait ses pensées satellites

 

Je le voyais depuis le Brittany

Chambre rouge et dans le noir

Dans le hall lui comme dans un puits

Moi à l’étage comme dans un phare

L’épave sombrait collée au mur

Un gobelet de café une coupelle

Et dans la tête mille bosselures

Avenir carambolé d’ancien rebelle

 

Cette première nuit fut blanche

Perlée de cauchemars étanches

Dévot relapse c’est cette Rome

Devenu plancton de l’aquarium

Les draps vides de gestes d'amour

Je refusais de m’allonger là

Sur le vieux fauteuil de velours

La vitre sale et le rideau tiré bas

 

L’autre en bas toussotait se secouait

S’enfonçait dans son lieu commun

La chambre voisine gémissait

Y mettait un enviable entrain

L’oreille collé au mur j’espionnais

La tête libérée de l’être famélique

Barbotant dans son rez-de-chaussée

La bite en main images lubriques

Ce soubresaut préhistorique

Atome premier de toute espèce

M’avait mené aux dures mimiques

Aux seins pointant aux molles fesses

 

Je quittais l’hôtel ce premier matin

Rassasié comme les bêtes le sont

Comme en apnée à côté d’un chien

Emmitouflé dans sa lourde couverture

Le clochard dont je fut demi témoin

Me tournait le dos et à son futur

 

Le soleil baignait d’une lumière douce

Ses rayons réveillaient le tout petit jour

Je voulais me laver de jolies dorures

Palais Garnier milieu de figure

Oublier la nuit et son squelette

Ses images glauques aux oubliettes

Les lampadaires fer et forgé

Gardiens du temple enchanté

 

Aux escaliers hélas se prélassaient

Me laissant fou muet et inquiet

Comme au spectacle assis aux rebords

Des têtes bigarrées applaudissaient fort

Un piquet de guitare un chanteur latin

Valsant en techno je ne regrette rien

Au-dessus du show adossé au balcon

J’étais en extase comme au Rubicon

Franchissant la frontière du ridicule

Trop loin engagé pour que je recule

Je disais bravo aussi haut que les autres

Avant de redescendre anonyme apôtre

Dans l’antre du palais prenant la fuite

Je voulais boire à l’abreuvoir du mythe

 

J’allais user mes souliers

Bien lavés bien lacés

Entamant ce trot dans Paris

Me mirant dans une vitrine

Devanture vide bientôt à louer

Juste un travailleur et son parquet

Et une pancarte votre magasin déplacé 

 

Il s’était relevé féroce

Présentait de curieuses bosses

Ses poings noirs ses doigts longs

Comme un double de camion

Hurlaient qu’on n’était pas au cirque

Ni dans un carrousel

Ni dans une colonie

Ni à Amsterdam

Devant un peep-show lubrique

Me menaçait de sa trique

Qu’il déballait à la vue de tous

Tous étant moi

 

J’avais repris mon chemin dur

Les voitures en bandoulières

Klaxons nez de figure

Me montrant leurs derrières

Biceps de jantes

Etincelles clinquantes

 

Des sémaphores excentriques

Faisant de l’œil et des ruades

Pour mon train de fer des cascades

Dans ma patience famélique

 

Assis comme des points d’encrage

Des vis et des écrous sur le sol

Des êtres chantant à la geste molle

Semblaient vomir à l’abordage

Une main en l’air épuisée tremblante

Une piécette ou un vieux ticket resto

Pour ces naufragés dernier eldorado

Ayant renoncés par honte par habitude

Aux paroles amies aux regards longs

Tombés par mégarde sur eux parfois

 

Dans ce zoo où la cage est le ciel

L’horizon barré et le froid recouvrant

Les soigneurs y sont rares ou méchants

Et les sorties surnaturelles

Je passais mon tour nonchalamment

Étourdi comme une sauterelle

Par les insultes comme des crécelles

Montant dans un crescendo lent

 

Je quittais ce marécage pour le marais

Romantique festif à souhait

Des antiquaires alignés

Comme des Légos de cuivre

Où m’invite à le suivre

Un brocanteur bon marché

De ses heures et de ses fesses

Par élan de tendresse

Juste un hoquet de grotesque

Des trottoirs arc en ciel

Ribambelles belles

De couples amusants

 

Riant comme l’éclair tonne

Apparurent deux madones

Matrones d’un bar exposant

Des images parlantes

De cuisses et de bas

Leurs paires de seins débordaient

 

Le trottoir agglutiné d’hétéros voleurs

D’une sexualité étrangère

À leur enclume congénère

À leur lit trop reposant

 

J’avais pris un charter

Pour l’autre bout de la Terre

Aéroport place de la chapelle

Stalingrad lèpre et guérilla  

Le christianisme aux Vêpres

 

Cadenassés comme dans une cage

Des zombies irascibles tournoyaient

Toutes choses détruites

Des épaves suffocantes

Perfusées

Rien ne restait dans cet asile

Contrôle aux faciès où sont les blancs

Comme des craies noyées dans le sang

La drogue infusait les tisanes

 

Comme je me délectais de littérature

De vies dormant au fond des livres

Réveillant au tournant de leurs plages

Des exigences refoulées

Des lieux saints des processions

J’allais où les idolâtres vont

Je fumais place des Vosges

Où le vieux Victor s’arroge

Le droit de somnoler longtemps

La maison est là on s’y arrête

Braillaient dans une langue inconnue

Mille insectes sortant de terre

Des taupinières de métros d’escaliers

Gravats humains excavation humiliée

Touristes dont j’étais une vile sorte

La copie mille fois recommencée

Venus mendier sa page de gloire

Carbone usé d’un promontoire

Ratatouille de peuplades mues

Inutiles incultes violentes et nues

Hurlant je veux tout j’y ai droit

Le passé le futur c’est encore à moi

Pissant le soir les recettes bues

Chiant partout sa ligue de vertu

Son outrage sa photo son réseau

Bobines fières promettent en gigolo

Convaincues et connes vaincues

Par la gloriole bête et têtue

 

J’allais vers le grand air

Une nécessité première

Au jardin des plantes

Je dis vrai et m’en vante

J’arôme les quatre continents

Venu là pour les fleurs

 

Les hommes seuls me comprennent

La vérité est pernicieuse

Mes pieds dans la poussière

Et dans le tapis

Je l’avais vu

Elle butinait

Lutinait

Suçait tous les sucs

Allant l’un l’autre

Laissant les tiges pendantes

Et les bulbes vidés

 

Babel de toutes les bouches

Montparnasse et sa tour farouche

Dressé comme un i

Imposait sa présence vulgaire

Elle haut talonnait la France

En son antre l’Asie pilotait

 

Une terrasse aux peuplades jaunes

Crachant partout comme des cercueils

Mal de gorge et mal de pied

Pleines séquences pour bêtisiers

Divertissements sous caméras

 

Je quittais tous ces gravats

Allais voir le vieil empereur

Qui dormait tout près allongé

Parti avec la manière usuelle

Talent éclos de longs cimetières

Crachant dans la soupe nationale

La main qui nous avait pris géante

Combien de vies dormant depuis lors

D’une descendance n’ayant su éclore

La porte obscure toujours ouverte

Procession terrible de l’encensoir

 

Dans les jardins du Luxembourg

Fleurit rose un arbre de Judée

Sous le regard enamourée

Du kiosque à musique alentour

Je m’y reposais sur un banc

Deux mésanges y donnaient concert

Sous des cris tonitruants

Je baissais les paupières

Dormais

 

La fontaine Médicis montrait sa langue

Ses plats nymphéas telle une guirlande

D’arbre de Noël jamais éteints

Clinquante liesse du grand jardin

Elles flottaient immobiles dormeuses

Les grilles du jardin riaient moqueuses

Devenues pancartes pour mille photos

Plus belles que nature et que cette eau

Des enfants aveugles passaient au loin

De cet univers où je me sentais bien

 

Le pavillon Davioud où l’art s’effeuille

Offrait aux messieurs jolis portefeuilles

Le goût du bohème sous du plastique

Comme si Jersey faisait l’Amérique

La beauté du parc ne réside qu’en lui

Il est les arbres centenaires et puis

Les âmes passées les fleurs éteintes

Je me réveillais dans cette plainte

 

Comme jadis bourrasques et marées

Rodin Pompidou et autres musées

Allaient revenaient entre mes bras

Emportant au loin des fracas de moi  

 

De gros lots d’ignorance

Des murs blancs encadrés

D’Ernst Modigliani et Picasso

Faisaient leurs troupeaux de couleurs

 

Vivant mais démantibulé

Je passais au-devant

Main lourde

Bouche dure

Je sortais du noir

Aveugle diurne

En voulais au hasard

De m’avoir fait la tête vide

 

En embuscade au Champ-de-Mars

Mon rêve percé fuyait plein tube

Coulant vers la Seine et le pont Neuf

Aigreur chargée comme un gros bœuf

Un peu chargé d’alcool minable

Canette d’acier et de Belgique

Tiédi d’un soleil lamentable

Qui aurait fait rougir l’Afrique

 

La coccinelle sur les feuillages

Comme des rapiettes sur la muraille

Se faufilant dans chaque brique

Volait dessous en quête d’ombrage

 

Me réveillant à l’orée d’une princesse

Le pont de l’Alma cimetière en liesse

De groupies attendries et en larmes

D’une sirène féerique de son charme

Bon gré mal gré dans la même houle

J’allais tel un moine tristesse saoule

Idolâtre et relapse de l’étrangère reine

Partageant imbécile la commune peine

 

Je remontais plus au nord la capitale

Bagage léger et le goût du scandale

Oublié depuis lustres

Vers le vice et versa

 

Rue blanche

Pis-aller des autochtones

Des testicules gonflées

Hormones acérées

Coupant le silence de la nuit

Deux avinés débordant le trottoirs

Claironnaient de se battre aux poings

Us de dortoirs

De comptoirs

D’urinoirs

De qui à la plus grosse

De qui saigne le plus loin

 

Le lendemain j’allais au parc

Belleville était suspendue

De lourdes grilles vertes et pointues

Le regard fuyant vers les hauteurs

Un sandwich en main le pied au cœur

Je pris place sur un banc tel Achab

Surdose de Moby Dick et bravade

 

J’étais décidément homme de forêts

En ville ne marchait que ma doublure

Brandissant ses rêves insensés

Des revendications acrobatiques

Tout et son contraire et vice versa

Le vice surtout et le vice me voila

 

Le bois logeait ses hortensias roses

Fleurs bleues colorées de Boulogne

La prou en avant je cadrais des photos

Trayeuse d’images y découvrant la lune

Expérience joyeuse du week-end long

Qui s’était mué semaine de huit jours

Le pas léger et proche des nuages

Je veillais sur moi maigre pitance

Revanche de l’homme nu sur la bête

 

Pâlissantes à vue d’âme et de corps

Des passantes gisaient feuilles mortes

Étouffées par les lustres fait arbres

Bien sûr elles s’en allaient confiantes

Chacune avec sa peine et son cri

Un dernier regard vers elles épaves

Échouées avec des enclumes d’acier

Les pas lourds de la moitié d’un tout

Qu’elles n’avaient su parachever

 

Je cherchais Quai Branly les premiers

Arts de l’homme comme une timbale

Des masques africains des bijoux

Des pointes des arcs et des ceintures

Éperdu face au temps qui minimise

Qui nivelle et les hommes et les jours

Aiguille dans le fumier je me trouvais

Utile surtout par ma grande futilité

Je quittais javelots et tambours

Bifurquais au premier carrefour

Vers un coin de verdure assiégé

 

Ayant dû connaître d’autres guerres

Que celles de ma cervelle froide

Que cet horizon long désaltère

Deux jeunesses enamourées

Les bras entrelacés

Se promettaient la lune

Sous un soleil de plomb

Leurs langues étaient deux plumes

Et leurs âmes deux violons

Je bénissais de mes miettes

Les souvenirs aperçus

Au goulot d’une canette

Sèche d’avoir été trop bue

 

Allant pleurer dans l’illustre Lachaise

Des larmes vieilles de trop longtemps

Des caveaux immobiles de damnés

Lourds et froids face à ma vue

J’y trouvais une ressemblance

Une peine humaine

Une peine rance

 

Au loin coulait la Seine

Chaque nom ici étalé

Grosse légume de dictionnaire

Feintant d’ignorer les autres

Minimisait la renommée d’autrui

Comme tout copropriétaire

Croit tout l’édifice pour lui

 

Les tuileries parterre promenade

Où j’étais promeneur à présent

Fières statues grecques ou nomades

Tout du moins au moins du seizième

Gigotaient de canards dans sa mare

 

La fontaine au milieu

Avec les rayons du soleil

Faisait de jolis cheveux

À la tour Eiffel

 

Des enfants poussaient des bateaux

Des trois mâts et des voiliers

Certains voulaient des paquebots

D’autres des naufragés

D’autres des matelots

De régates de Vendée Globe

De sponsors et de blondes

Tenues en main par des laisses

D’autres se rêvaient armateurs

Ceux-là étaient les mieux dressés

Les mieux abdiqués

Infusés comme il faut

 

Trois vieux peintres appliqués

Jouaient de leurs pinceaux

Chefs d’orchestres médusés

Par leurs jolis tableaux

Soignant plus que tout

Sans fioriture

Ravis éperdus

Leur signature

 

Tout autour une cohorte

De cous lestés de pieds d’enfants

De portables œil que l’on porte

Cyclopes modernes et grelotant

Car le vent soufflait sur la tranchée

Ouverte coupant la vieille artère

La foire du trône et sa grande roue

Comme un paon irisé de couleurs

Hypnose peut-être

Hypothèque peut-être

Agglutinait de son vinaigre

Les mouches par vagues humaines

 

Au loin la poussière en lisière

Soulevait son nuage de terre

Des shorts courraient les pieds gonflés

Orteils noirs au bout des sandales

 

La Seine débordait de vieux austères

De boîtes vertes d’un métal se grisant

Où je retrouvais les noms éphémères

Du cimetière où je fus auparavant

Soupault Éluard et la farandole

Surréelle et froide de poésie folle

Pour quelques centimes ici se vendent

À nouveau dans le gouffre descendent

Perdus entre jouets made in China

Cerfs-volants bonbecs et taffetas

Aussi des cartes postales de pin-up

De filles en couleurs des hula hoop

Des tours Eiffel des soldats de plomb

Aussi mille empereurs Napoléon

Sur les trottoirs l’Afrique entière

Vendait baskets et gri-gri du sort

Vendait là où les yeux désespèrent

Babel sale et sans remord

 

J’allais prier entre les hauts murs

Homme se livrant à Notre-Dame

Pieds et poings corps et âmes

Voulant guérir mes flétrissures

Tel Samson sans chevelure

Je ne pouvais rien

Dieu restait sourd

 

Seul homme d’église un guide hilare

Peu importe le vrai guide se cache

Ne frise pas ses fausses moustaches

Au cœur d’une amourette légère

Limitée à la seule architecture

Aux vitraux vieux aux tours blanches

Aux photos où l’orgueil s’épanche

Aux jours que l’ignare nomme futur

 

Puis le Louvre ouvrit sa cathédrale

Sa pyramide levée au ciel

Les fourmis autour grillons de râles

Queue leu leu sans nulle autre pareille

Creusaient en vers de terre

Des galeries profondes et noires

Des salles en quais de gare

Des salles comme des dortoirs

Des salles comme des mouroirs

Où nul ne s’éveillait

Deux minutes par accoudoir

Les œuvres clouées comme des Christ

Attendaient la résurrection prochaine

La fermeture de ces vilaines haleines

Dessous leurs hublots tristes

 

Les quais étaient accostés et pleins

De libellules du fleuve bazar

Ces bateaux mouches paradoxales

Filant comme des écureuils

Dessous les ponts russes et massifs

Alexandre III pour récif

À la ruée d’une autre Révolution

Conquis entièrement je m’en allais

Vouais mes yeux aux eaux noires

Jeux de lumières sur Notre-Dame

À cet instant l’unique femme

Qui me parlait

 

Les jets d’eau du Trocadéro

Mimant de leurs gouttes le ciel voilé

Semblaient lances géantes de pompiers

Prêtes à éteindre la place en feu

Où couples et danseurs swinguaient

Derviches torpilles exocets aux pieds

Cerclant les dalles de coups de compas

De robes de colliers et puis voilà

Les femmes amoureuses et rieuses

Livrées aux bras de messieurs enviés

Aux diables

 

Encore manquaient les guerres atroces

Perchées sur l’arc les coups de crosses

Les baïonnettes et les assauts

Gravés sur marbre et sur tombeaux

Cette vitrine dantesque qui sonne

Le glas terrible beau Te Deum  

Funestes grognards froids et inquiets

Sous la mitraille du XXème

 

J’étais perdu rue de Provence

Comme le gros Roi déchu de France

Cherchant une trace de mon passage

Dans ces mirages dans ces otages

Quand une dame petite et ridée

Timidement voulu me parler

Juste une phrase plus ridée qu’elle

Une petite pipe dents en dentelle

 

L’obélisque dressée par l’Égypte

Bagage fatigué que l’on crypte

Dessinait la vie sur ses quatre flans

Pointe passée au futur présent

Coup de poignard vers le ciel

Habitude de lames de rasoirs

De têtes grasses dans la corbeille

De vérités sauce tartare

 

Allant vers le parc de la haute butte

Voulant faire de ce noir une belle hutte

Où me cacher longtemps et très fort

Reprendre des rêves à bras le corps

Gifler pour du bon ce gros scandale

Le percer le tuer le jeter sous un voile

Une malle fermée une arène sèche

Étincelle humide face à une mèche

Tel Hector devant Troie assiégée

Je me su vaincu lié prisonnier

De cette ville

Hector d’Achille

Avant le coup de glaive

 

La goutte d’or est goutte de trop

Purulente crasseuse et nitrique

L’acide versée ici peur panique

Ruisselait déjà tous les caveaux

Les mauvais quart d’heures durent

Des vies entières de murmures

De murs tagués rasés de prêt

Démarche rapide yeux aux aguets

Vive la norme extrapolant et gaie

De Babel riant de soi sourd muet

De mains tendues toujours ouvertes

De ventres percés de plaies alertes

Dieu qu’on arrête et de vies infernales

 

Tristesse de temps bénis

Sur mes joues noyées

Il pleure dru

Je n’ai pas emporté de paradis

 

(Montpon, 28 au 31 janvier 2025)

 

 

 

 

 
 
 

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