Entre le souvenir et le rêve d’un voyage à Paris
- Christian Tritsch
- 15 mars
- 12 min de lecture
Entre le souvenir et le rêve
Entre la ciguë et la sève
Mon cœur tendait ses pièges
Traquait sifflait tentait
Se plaisait au tendre de la nuit
Ma flèche menaçait de s’effondrer
Et l’orgueil à mes pieds
Creusait un corridor frêle
Rouge comme l’ivoire d’éléphant
Au milieu de cette nouvelle savane
Parasitées par d’étranges odeurs
J’étais entré rêves nus dans la capitale
Bourré et bourru
Quasi en apnée
Les wagons grinçaient leurs plaintes
Une foule postillonnée sur les quais
La gare de l’Est s'échappait
À ma vue à reculons
Petite
Sale
Grise
Les premiers pavés carrés et dodus
Soulevaient mes pieds avec force
Tout de suite une vieille hargneuse
Menteuse comme une gitane
Me lança son flash pleine face
Crachant que c’était cinquante francs
La photo de baptême
Elle avait flairé le puceau de province
L’arbrisseaux apeuré
Elle avait eu dix mille fois raison
Sur moi comme sur mes économies
Dévalisé j’avais fui
L’étendue de ce malaise
Volé par une femme édentée
M’éloignant de cette défaite initiale
M’entortillant dans le métro
Les passagers semblaient des hublots
Fermés comme des tourelles de chars
Des chenilles à leurs pieds
Dans leurs yeux des rasoirs
À double-tour dans un Smartphone
Les quenottes serrées
Sur le sol apeuré
Sortir à la première cheminée
À la première fournée
Quitter l’édifice du serpent
Dont nous étions le venin
Le poison lent mais certain
Carbonisé et en cendres
La lumière retombée d’un faux ciel
Par morceaux et artificielle
Les néons et enseignes clignotant
Le jour revenu en contre-plongée
D’escalators se chevauchant
Dehors des zombies d’architecture
Suaient grosses gouttes fière allure
Assourdissant comme des soupirs
De victimes subliminales
Touchées comme par légions
Plus rien n’arrêtait ma terreur
Kalachnikov de l’horreur
Des affiches et graffitis partout
Comme du vomi mitraillé
Un trafic sur la beauté
Vendue sous le manteau seulement
Les yeux fermés sur le courage
S’alignant sur le carnage
J’allais en aveugle le plus souvent
Puis il y avait eu l’odeur âcre
Tour Saint-Jacques de Bagatelles
Lieu de saintes péronnelles
Et de ses emportements
Des snacks aux kilomètres
Entourés de lavoirs et de tabacs
De marcheurs au pas de l’oie
De joggeurs asthmatiques
De vendeurs à la sauvette
L’édicule place Chatelet
Œuvrait de sa bouche art déco
Fée de fonte et lave émaillée
Balustrade sur le passé
Gobait la foule par escarmouches
Pieds pressés du Métropolitain
Portiques sculptés et hauts candélabres
Dans une houle divisée qui sabre
Jusqu’au dernier humain
Quartier de la Trinité tête empouillée
A même le sol sur des tissus épais
Coupée du monde un être reculait
Chaque nuit plus loin dans l’humanité
Au jour le jour le flou acrobatique
Faisait ses pensées satellites
Je le voyais depuis le Brittany
Chambre rouge et dans le noir
Dans le hall lui comme dans un puits
Moi à l’étage comme dans un phare
L’épave sombrait collée au mur
Un gobelet de café une coupelle
Et dans la tête mille bosselures
Avenir carambolé d’ancien rebelle
Cette première nuit fut blanche
Perlée de cauchemars étanches
Dévot relapse c’est cette Rome
Devenu plancton de l’aquarium
Les draps vides de gestes d'amour
Je refusais de m’allonger là
Sur le vieux fauteuil de velours
La vitre sale et le rideau tiré bas
L’autre en bas toussotait se secouait
S’enfonçait dans son lieu commun
La chambre voisine gémissait
Y mettait un enviable entrain
L’oreille collé au mur j’espionnais
La tête libérée de l’être famélique
Barbotant dans son rez-de-chaussée
La bite en main images lubriques
Ce soubresaut préhistorique
Atome premier de toute espèce
M’avait mené aux dures mimiques
Aux seins pointant aux molles fesses
Je quittais l’hôtel ce premier matin
Rassasié comme les bêtes le sont
Comme en apnée à côté d’un chien
Emmitouflé dans sa lourde couverture
Le clochard dont je fut demi témoin
Me tournait le dos et à son futur
Le soleil baignait d’une lumière douce
Ses rayons réveillaient le tout petit jour
Je voulais me laver de jolies dorures
Palais Garnier milieu de figure
Oublier la nuit et son squelette
Ses images glauques aux oubliettes
Les lampadaires fer et forgé
Gardiens du temple enchanté
Aux escaliers hélas se prélassaient
Me laissant fou muet et inquiet
Comme au spectacle assis aux rebords
Des têtes bigarrées applaudissaient fort
Un piquet de guitare un chanteur latin
Valsant en techno je ne regrette rien
Au-dessus du show adossé au balcon
J’étais en extase comme au Rubicon
Franchissant la frontière du ridicule
Trop loin engagé pour que je recule
Je disais bravo aussi haut que les autres
Avant de redescendre anonyme apôtre
Dans l’antre du palais prenant la fuite
Je voulais boire à l’abreuvoir du mythe
J’allais user mes souliers
Bien lavés bien lacés
Entamant ce trot dans Paris
Me mirant dans une vitrine
Devanture vide bientôt à louer
Juste un travailleur et son parquet
Et une pancarte votre magasin déplacé
Il s’était relevé féroce
Présentait de curieuses bosses
Ses poings noirs ses doigts longs
Comme un double de camion
Hurlaient qu’on n’était pas au cirque
Ni dans un carrousel
Ni dans une colonie
Ni à Amsterdam
Devant un peep-show lubrique
Me menaçait de sa trique
Qu’il déballait à la vue de tous
Tous étant moi
J’avais repris mon chemin dur
Les voitures en bandoulières
Klaxons nez de figure
Me montrant leurs derrières
Biceps de jantes
Etincelles clinquantes
Des sémaphores excentriques
Faisant de l’œil et des ruades
Pour mon train de fer des cascades
Dans ma patience famélique
Assis comme des points d’encrage
Des vis et des écrous sur le sol
Des êtres chantant à la geste molle
Semblaient vomir à l’abordage
Une main en l’air épuisée tremblante
Une piécette ou un vieux ticket resto
Pour ces naufragés dernier eldorado
Ayant renoncés par honte par habitude
Aux paroles amies aux regards longs
Tombés par mégarde sur eux parfois
Dans ce zoo où la cage est le ciel
L’horizon barré et le froid recouvrant
Les soigneurs y sont rares ou méchants
Et les sorties surnaturelles
Je passais mon tour nonchalamment
Étourdi comme une sauterelle
Par les insultes comme des crécelles
Montant dans un crescendo lent
Je quittais ce marécage pour le marais
Romantique festif à souhait
Des antiquaires alignés
Comme des Légos de cuivre
Où m’invite à le suivre
Un brocanteur bon marché
De ses heures et de ses fesses
Par élan de tendresse
Juste un hoquet de grotesque
Des trottoirs arc en ciel
Ribambelles belles
De couples amusants
Riant comme l’éclair tonne
Apparurent deux madones
Matrones d’un bar exposant
Des images parlantes
De cuisses et de bas
Leurs paires de seins débordaient
Le trottoir agglutiné d’hétéros voleurs
D’une sexualité étrangère
À leur enclume congénère
À leur lit trop reposant
J’avais pris un charter
Pour l’autre bout de la Terre
Aéroport place de la chapelle
Stalingrad lèpre et guérilla
Le christianisme aux Vêpres
Cadenassés comme dans une cage
Des zombies irascibles tournoyaient
Toutes choses détruites
Des épaves suffocantes
Perfusées
Rien ne restait dans cet asile
Contrôle aux faciès où sont les blancs
Comme des craies noyées dans le sang
La drogue infusait les tisanes
Comme je me délectais de littérature
De vies dormant au fond des livres
Réveillant au tournant de leurs plages
Des exigences refoulées
Des lieux saints des processions
J’allais où les idolâtres vont
Je fumais place des Vosges
Où le vieux Victor s’arroge
Le droit de somnoler longtemps
La maison est là on s’y arrête
Braillaient dans une langue inconnue
Mille insectes sortant de terre
Des taupinières de métros d’escaliers
Gravats humains excavation humiliée
Touristes dont j’étais une vile sorte
La copie mille fois recommencée
Venus mendier sa page de gloire
Carbone usé d’un promontoire
Ratatouille de peuplades mues
Inutiles incultes violentes et nues
Hurlant je veux tout j’y ai droit
Le passé le futur c’est encore à moi
Pissant le soir les recettes bues
Chiant partout sa ligue de vertu
Son outrage sa photo son réseau
Bobines fières promettent en gigolo
Convaincues et connes vaincues
Par la gloriole bête et têtue
J’allais vers le grand air
Une nécessité première
Au jardin des plantes
Je dis vrai et m’en vante
J’arôme les quatre continents
Venu là pour les fleurs
Les hommes seuls me comprennent
La vérité est pernicieuse
Mes pieds dans la poussière
Et dans le tapis
Je l’avais vu
Elle butinait
Lutinait
Suçait tous les sucs
Allant l’un l’autre
Laissant les tiges pendantes
Et les bulbes vidés
Babel de toutes les bouches
Montparnasse et sa tour farouche
Dressé comme un i
Imposait sa présence vulgaire
Elle haut talonnait la France
En son antre l’Asie pilotait
Une terrasse aux peuplades jaunes
Crachant partout comme des cercueils
Mal de gorge et mal de pied
Pleines séquences pour bêtisiers
Divertissements sous caméras
Je quittais tous ces gravats
Allais voir le vieil empereur
Qui dormait tout près allongé
Parti avec la manière usuelle
Talent éclos de longs cimetières
Crachant dans la soupe nationale
La main qui nous avait pris géante
Combien de vies dormant depuis lors
D’une descendance n’ayant su éclore
La porte obscure toujours ouverte
Procession terrible de l’encensoir
Dans les jardins du Luxembourg
Fleurit rose un arbre de Judée
Sous le regard enamourée
Du kiosque à musique alentour
Je m’y reposais sur un banc
Deux mésanges y donnaient concert
Sous des cris tonitruants
Je baissais les paupières
Dormais
La fontaine Médicis montrait sa langue
Ses plats nymphéas telle une guirlande
D’arbre de Noël jamais éteints
Clinquante liesse du grand jardin
Elles flottaient immobiles dormeuses
Les grilles du jardin riaient moqueuses
Devenues pancartes pour mille photos
Plus belles que nature et que cette eau
Des enfants aveugles passaient au loin
De cet univers où je me sentais bien
Le pavillon Davioud où l’art s’effeuille
Offrait aux messieurs jolis portefeuilles
Le goût du bohème sous du plastique
Comme si Jersey faisait l’Amérique
La beauté du parc ne réside qu’en lui
Il est les arbres centenaires et puis
Les âmes passées les fleurs éteintes
Je me réveillais dans cette plainte
Comme jadis bourrasques et marées
Rodin Pompidou et autres musées
Allaient revenaient entre mes bras
Emportant au loin des fracas de moi
De gros lots d’ignorance
Des murs blancs encadrés
D’Ernst Modigliani et Picasso
Faisaient leurs troupeaux de couleurs
Vivant mais démantibulé
Je passais au-devant
Main lourde
Bouche dure
Je sortais du noir
Aveugle diurne
En voulais au hasard
De m’avoir fait la tête vide
En embuscade au Champ-de-Mars
Mon rêve percé fuyait plein tube
Coulant vers la Seine et le pont Neuf
Aigreur chargée comme un gros bœuf
Un peu chargé d’alcool minable
Canette d’acier et de Belgique
Tiédi d’un soleil lamentable
Qui aurait fait rougir l’Afrique
La coccinelle sur les feuillages
Comme des rapiettes sur la muraille
Se faufilant dans chaque brique
Volait dessous en quête d’ombrage
Me réveillant à l’orée d’une princesse
Le pont de l’Alma cimetière en liesse
De groupies attendries et en larmes
D’une sirène féerique de son charme
Bon gré mal gré dans la même houle
J’allais tel un moine tristesse saoule
Idolâtre et relapse de l’étrangère reine
Partageant imbécile la commune peine
Je remontais plus au nord la capitale
Bagage léger et le goût du scandale
Oublié depuis lustres
Vers le vice et versa
Rue blanche
Pis-aller des autochtones
Des testicules gonflées
Hormones acérées
Coupant le silence de la nuit
Deux avinés débordant le trottoirs
Claironnaient de se battre aux poings
Us de dortoirs
De comptoirs
D’urinoirs
De qui à la plus grosse
De qui saigne le plus loin
Le lendemain j’allais au parc
Belleville était suspendue
De lourdes grilles vertes et pointues
Le regard fuyant vers les hauteurs
Un sandwich en main le pied au cœur
Je pris place sur un banc tel Achab
Surdose de Moby Dick et bravade
J’étais décidément homme de forêts
En ville ne marchait que ma doublure
Brandissant ses rêves insensés
Des revendications acrobatiques
Tout et son contraire et vice versa
Le vice surtout et le vice me voila
Le bois logeait ses hortensias roses
Fleurs bleues colorées de Boulogne
La prou en avant je cadrais des photos
Trayeuse d’images y découvrant la lune
Expérience joyeuse du week-end long
Qui s’était mué semaine de huit jours
Le pas léger et proche des nuages
Je veillais sur moi maigre pitance
Revanche de l’homme nu sur la bête
Pâlissantes à vue d’âme et de corps
Des passantes gisaient feuilles mortes
Étouffées par les lustres fait arbres
Bien sûr elles s’en allaient confiantes
Chacune avec sa peine et son cri
Un dernier regard vers elles épaves
Échouées avec des enclumes d’acier
Les pas lourds de la moitié d’un tout
Qu’elles n’avaient su parachever
Je cherchais Quai Branly les premiers
Arts de l’homme comme une timbale
Des masques africains des bijoux
Des pointes des arcs et des ceintures
Éperdu face au temps qui minimise
Qui nivelle et les hommes et les jours
Aiguille dans le fumier je me trouvais
Utile surtout par ma grande futilité
Je quittais javelots et tambours
Bifurquais au premier carrefour
Vers un coin de verdure assiégé
Ayant dû connaître d’autres guerres
Que celles de ma cervelle froide
Que cet horizon long désaltère
Deux jeunesses enamourées
Les bras entrelacés
Se promettaient la lune
Sous un soleil de plomb
Leurs langues étaient deux plumes
Et leurs âmes deux violons
Je bénissais de mes miettes
Les souvenirs aperçus
Au goulot d’une canette
Sèche d’avoir été trop bue
Allant pleurer dans l’illustre Lachaise
Des larmes vieilles de trop longtemps
Des caveaux immobiles de damnés
Lourds et froids face à ma vue
J’y trouvais une ressemblance
Une peine humaine
Une peine rance
Au loin coulait la Seine
Chaque nom ici étalé
Grosse légume de dictionnaire
Feintant d’ignorer les autres
Minimisait la renommée d’autrui
Comme tout copropriétaire
Croit tout l’édifice pour lui
Les tuileries parterre promenade
Où j’étais promeneur à présent
Fières statues grecques ou nomades
Tout du moins au moins du seizième
Gigotaient de canards dans sa mare
La fontaine au milieu
Avec les rayons du soleil
Faisait de jolis cheveux
À la tour Eiffel
Des enfants poussaient des bateaux
Des trois mâts et des voiliers
Certains voulaient des paquebots
D’autres des naufragés
D’autres des matelots
De régates de Vendée Globe
De sponsors et de blondes
Tenues en main par des laisses
D’autres se rêvaient armateurs
Ceux-là étaient les mieux dressés
Les mieux abdiqués
Infusés comme il faut
Trois vieux peintres appliqués
Jouaient de leurs pinceaux
Chefs d’orchestres médusés
Par leurs jolis tableaux
Soignant plus que tout
Sans fioriture
Ravis éperdus
Leur signature
Tout autour une cohorte
De cous lestés de pieds d’enfants
De portables œil que l’on porte
Cyclopes modernes et grelotant
Car le vent soufflait sur la tranchée
Ouverte coupant la vieille artère
La foire du trône et sa grande roue
Comme un paon irisé de couleurs
Hypnose peut-être
Hypothèque peut-être
Agglutinait de son vinaigre
Les mouches par vagues humaines
Au loin la poussière en lisière
Soulevait son nuage de terre
Des shorts courraient les pieds gonflés
Orteils noirs au bout des sandales
La Seine débordait de vieux austères
De boîtes vertes d’un métal se grisant
Où je retrouvais les noms éphémères
Du cimetière où je fus auparavant
Soupault Éluard et la farandole
Surréelle et froide de poésie folle
Pour quelques centimes ici se vendent
À nouveau dans le gouffre descendent
Perdus entre jouets made in China
Cerfs-volants bonbecs et taffetas
Aussi des cartes postales de pin-up
De filles en couleurs des hula hoop
Des tours Eiffel des soldats de plomb
Aussi mille empereurs Napoléon
Sur les trottoirs l’Afrique entière
Vendait baskets et gri-gri du sort
Vendait là où les yeux désespèrent
Babel sale et sans remord
J’allais prier entre les hauts murs
Homme se livrant à Notre-Dame
Pieds et poings corps et âmes
Voulant guérir mes flétrissures
Tel Samson sans chevelure
Je ne pouvais rien
Dieu restait sourd
Seul homme d’église un guide hilare
Peu importe le vrai guide se cache
Ne frise pas ses fausses moustaches
Au cœur d’une amourette légère
Limitée à la seule architecture
Aux vitraux vieux aux tours blanches
Aux photos où l’orgueil s’épanche
Aux jours que l’ignare nomme futur
Puis le Louvre ouvrit sa cathédrale
Sa pyramide levée au ciel
Les fourmis autour grillons de râles
Queue leu leu sans nulle autre pareille
Creusaient en vers de terre
Des galeries profondes et noires
Des salles en quais de gare
Des salles comme des dortoirs
Des salles comme des mouroirs
Où nul ne s’éveillait
Deux minutes par accoudoir
Les œuvres clouées comme des Christ
Attendaient la résurrection prochaine
La fermeture de ces vilaines haleines
Dessous leurs hublots tristes
Les quais étaient accostés et pleins
De libellules du fleuve bazar
Ces bateaux mouches paradoxales
Filant comme des écureuils
Dessous les ponts russes et massifs
Alexandre III pour récif
À la ruée d’une autre Révolution
Conquis entièrement je m’en allais
Vouais mes yeux aux eaux noires
Jeux de lumières sur Notre-Dame
À cet instant l’unique femme
Qui me parlait
Les jets d’eau du Trocadéro
Mimant de leurs gouttes le ciel voilé
Semblaient lances géantes de pompiers
Prêtes à éteindre la place en feu
Où couples et danseurs swinguaient
Derviches torpilles exocets aux pieds
Cerclant les dalles de coups de compas
De robes de colliers et puis voilà
Les femmes amoureuses et rieuses
Livrées aux bras de messieurs enviés
Aux diables
Encore manquaient les guerres atroces
Perchées sur l’arc les coups de crosses
Les baïonnettes et les assauts
Gravés sur marbre et sur tombeaux
Cette vitrine dantesque qui sonne
Le glas terrible beau Te Deum
Funestes grognards froids et inquiets
Sous la mitraille du XXème
J’étais perdu rue de Provence
Comme le gros Roi déchu de France
Cherchant une trace de mon passage
Dans ces mirages dans ces otages
Quand une dame petite et ridée
Timidement voulu me parler
Juste une phrase plus ridée qu’elle
Une petite pipe dents en dentelle
L’obélisque dressée par l’Égypte
Bagage fatigué que l’on crypte
Dessinait la vie sur ses quatre flans
Pointe passée au futur présent
Coup de poignard vers le ciel
Habitude de lames de rasoirs
De têtes grasses dans la corbeille
De vérités sauce tartare
Allant vers le parc de la haute butte
Voulant faire de ce noir une belle hutte
Où me cacher longtemps et très fort
Reprendre des rêves à bras le corps
Gifler pour du bon ce gros scandale
Le percer le tuer le jeter sous un voile
Une malle fermée une arène sèche
Étincelle humide face à une mèche
Tel Hector devant Troie assiégée
Je me su vaincu lié prisonnier
De cette ville
Hector d’Achille
Avant le coup de glaive
La goutte d’or est goutte de trop
Purulente crasseuse et nitrique
L’acide versée ici peur panique
Ruisselait déjà tous les caveaux
Les mauvais quart d’heures durent
Des vies entières de murmures
De murs tagués rasés de prêt
Démarche rapide yeux aux aguets
Vive la norme extrapolant et gaie
De Babel riant de soi sourd muet
De mains tendues toujours ouvertes
De ventres percés de plaies alertes
Dieu qu’on arrête et de vies infernales
Tristesse de temps bénis
Sur mes joues noyées
Il pleure dru
Je n’ai pas emporté de paradis
(Montpon, 28 au 31 janvier 2025)
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