En alexandrins
- Christian Tritsch
- 15 mars
- 3 min de lecture
Il est une demoiselle au charme si notoire,
Que son passage laisse comme un goût de barbare,
Comme une balle avide et venant fouiller la plaie,
Au moment de partir, quand le charme disparaît.
Sur mon âme je le jure, le tracé de sa chute
Fait de vos habitudes une coiffure toute hirsute
Et de vos certitudes un amas de gravats ;
Je vous le dis tout net : bienheureux qui n’est pas
Sous sa tutelle sourde, qui infuse et qui hante,
Sous son regard pointu, qui découpe et qui plante,
Car jamais rassasiés, ses yeux beaux vous lacèrent
Ses bras à votre cou, deux lacets qui enserrent.
Hier, je me délectais de ne pas la connaître,
Nullement aux aguets. En ouvrant la fenêtre,
Je regardais demain comme on regarde un lac.
La beauté dans l’eau calme, la beauté se matraque !
Mes amis promettaient de toute leur cervelle,
Une vie imbibée, toujours belle et nouvelle !
La prochaine, la suivante, dernière etc.
Qui fera de mes nuits, un nouvel Alhambra ?
Elle était espagnole, parisienne, aquitaine !
Elle était une année, une nuit, une semaine !
Elle était pour certains, comme un océan !
Dessous la houle dure, une sirène et son chant !
Elle aime par-dessus tout dominer votre ruine,
Insatiable, raffinée, le malheur l'illumine,
Quand elle jette son va-tout, ah ! votre triste sort !
Telle une tumeur maligne, un soudain inconfort,
Une gêne se déclenche à son passage éclair ;
C’est comme une apogée, un dernier bras de mer
Juste avant le naufrage, avant le ridicule.
Son sourire gai et blanc, derrière s’y dissimule,
Un brouillard, un crapaud, un mensonge éhonté,
Elle assure (quelle fredaine) qu’elle reste obnubilée
Par votre seule présence, votre charme d’abord,
Qu’elle sera pour toujours votre ultime réconfort.
J’avais vingt ans alors. Ne savais rien encore
De ces tribulations de la loi du plus fort.
Je ne parle pas de biceps mais bien d’amour !...
De batailles où les corps sont roués, battus, pour
Que celui qui se perd, perde bien plus que lui :
Il perd et le goût, et le goût à la vie !
Car il devient infirme, puisqu’on lui ôte le cœur,
Il devient amnésique, puisqu’il ne sait plus l’heure
Ni le jour où il est, quand l’autre n’est plus là.
Disciple sans déesse, un nouvel apostat !
Une moitié peut parfois être plus que le tout !
Et c’est un grand désastre que de vivre à genoux !
De vivre juste pour l’autre, dans l’espoir seulement
Ne serait-ce je le sais, que pour un court instant
De se continuer. Ce feu est un fétu
S’il ne peut consumer deux cœurs trop éperdus !
Je prie pour que jamais – mon dieu ô grand jamais
Je n’ai à revenir à ce temps où j’étais
Prisonnier de la glace d’un amour congelé,
D’un être violent de n’avoir pas gagné
M’ayant malgré cela laissé nu sur le sol,
Tel un poison frelaté, une pauvre gnôle !
J’avais vingt ans disais-je, ce n’est pas une excuse.
Il est des gens plus jeunes que la raison récuse
D’avoir trop abdiqués. Rien ne sert de courir,
Il faut faire demi-tour. Et parfois c’est guérir
Que de ne pas rester au contact du mal
Qui vous laisse pantois, qui vous laisse bancal !
Bien sûr les écluses vont, elles aussi à la mer !
Et si ce ne sont elles, ce sont leurs eaux amères !
Je vivais comme un fou, perdu aux autres hommes
Qui ne voyaient en moi qu’un frêle curriculum,
Un tout début de rien, ayant une maigre chance
Car les femmes sont, et cela dès l’enfance.
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