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1770 - 1789 "poèmes centenaires"

Poèmes centenaires

 

 

 

LE CHENE ET LE LIERRE

1er janvier 1770

 

 

C’est un grand chêne, étouffé d’innombrables lierres ;

Collé autour du tronc, presque de la pierre.

Tout l’emprisonne ; tout le pousse vers l’abime,

Depuis l’ancienne souche, au plus haut de la cime.

Il faudrait  prestement aérer cette place,

Où soupers et repas, où domaniales chasses,

Sont un cérémonial emphatique qui garrotte

Telle une cour byzantine profusément sotte !

C’est le paradis ! L’édifice des Sganarelle !  

C’est l’étiquette et le grand couvert solennel !

C’est l’essai des plats et la marche du cortège !

Un monarque devrait s’éloigner du piège…

 

 

 

AU PIED DE LA PIERRE AIMEE

1er novembre 1773 – Brest

 

Mon sommeil soupire, tout est éphémère ;

Vois-tu, je ne pense qu’au carré de terre

Sous lequel tu reposes depuis onze nuits ;

Puisque maintenant, ne me reste que l’ennui…

 

Les herbes se courbent au passage du vent ;

Et toi, ferme les yeux au noir captivant

Dans le silence qui m’enivre depuis lors.

C’est toi qui t’endors et c’est moi qui suis mort…

 

                               

 

 

LUNE D’HIVER

3 décembre 1775 Reims

 

 

La lune essoufflée revenait chaque soir

Et, ne voyant plus rien dans ce noir notoire,

Voulait prendre à témoins les astres du ciel.

 

« Amies, vous qui toujours coupez en dentelles

La voute obscure, éclairez mes alarmes.

Ne suis-je qu’aux coquins, le bien et le charme !

 

Dames de la nuit et de la profondeur,

Veillez sur le silence et sur ma torpeur ;

Laissez-moi étourdi comme après le vin,

Comme après l’amour, comme après le destin. »

 

 

 

LA SERVANTE DU CHATEAU

6 mars 1776 Fontainebleau

 

 

Le petit patio est empli de musiciens.

Comme des vagues, le mouvement de leurs mains

Attirent le regard. Près de moi cependant,

Le doux charme vénéneux et bouleversant

D’une servante m’agrippe ! Ses gestes lents

M’invitent à m’appesantir sur son épaule ;

Soudain, un bel esprit d’autrefois me frôle

Et m’impose la cadence de son frottement…

Les musiciens s’appliquent et la servante, 

Persistante avec ses prunelles, plante

Une pointe de regret dans mon âme froissée ;

Il est éternel ce moment où, crucifié,

J’abandonne le combat..."voulez-vous dansez ?"

Me lance alors une duchesse espagnole ;

Nous tournons et je crois avoir tenu le rôle

Sans trembler dans mon édifice emmêlé ;

Les musiciens s’arrêtent et je savoure,

Vaincu, la farandole de mes belles amoures ;

La servante, que mes yeux n’accompagnent plus,

Disparaît, emportée par la tâche, perdue. 

Puis, je plonge dans mon passé, abîmé et nu,

N’ayant été un rêve, que le temps voulu

D’un air de musique. Moi, je ferme les yeux,

Car je sais ce qu’il en coûte d’être amoureux !

 

 

                      

LES JOUES CREUSES

2 janvier 1779 – Sarre

 

 

Les joues creuses, les ombres sans chair

Meurent en blancheur et en tristesse.

- Le ciel ? Nous sommes sur la Terre !

La mort jouit de notre détresse

Et nos saisons sont quatre hivers !

Le soleil nous ignore comme les bêtes

Et il décore nos vastes montagnes.

Le vautour, animal riant, embête

Les hommes prisonniers de ce bagne

Qu’est une existence honnête !

Nos ossements tremblent de froid

Dans ce paysage de douleur

Où les pauvres ne s’effarent pas

De janvier qui croule en horreur

Et garnit les familles de croix !

En sommes-nous réduit au crime,

A la mendicité et au vol ?

La pauvreté est un abime

Laissant une moitié folle

Et l’autre étranglée de dime.

On coupe les blés encore verts

Parce qu’on a faim ! Parce qu’il faut vivre !

Les arbres fruitiers sont sciés

Pour se préserver du givre

Et du froid qui mord nos chairs

 

 

 

ECHOUAGE DE LA FREGATE « LE SARTINE »

Devant Marseille

19 mai 1780

 

 

Fier navire, errant sur les eaux turquoise,

Glissant mollement, blessé sur ton flanc,

C’est par traitrise qu’Albion pavoise,

Et te regarde sombrer, un sourire aux dents !

 

Tu n’as plus de capitaine – deux boulets l’ont pris –

Et c’est ventre à flots que tu dégringoles ;

Est-ce pour venger ta victoire à Pondichery

Que l’anglais « par méprise » visa ton auréole ?

                       

        

 

COMPTE RENDU DE NECKER A LOUIS XVI

Février 1781

 

 

Sire, nos victoires sont nos pertes !

La guerre est un gouffre sans fonds,

Qui, toujours, veut d’autres munitions ;

Sire, nos victoires sont nos pertes !

 

Sommes-nous tant riches à présent,

Que des indes jusqu’aux Amériques

Nous puissions guerroyer exotique ?

Sommes-nous tant riches à présent ?

 

 

 

CHASSE A COURRE A FONTAINEBLEAU

5 février 1782

 

 

Bondissant parmi les feuillages luxuriants,

Où le joignent soudain vingt molosses riants,

Le cerf pourchassé par la grande vénerie,

Au soleil d’hiver, décroche vers la prairie.

 

Chargeant le lieu repéré de la mise à mort,

Les cris des poitevins avertissent alors

Un cavalier au galop, à l’allure fine,

Sonnante fanfare ! Retentissante dauphine ! 

 

Les bois touffus de la forêt de Compiègne

Savent le dénouement. Que la bête saigne !

Que les cerbères escortent la vie qui s’enfuit,

Traversent les bosquets, résonnent de leurs cris.

 

Leurs yeux sont fixes, froids, forts et étincelants ;

Le hourvari de veneurs accourus à temps

Est vite rattrapé par le bel équipage ;

- Acclamons la mort, et l’animal-naufrage !

 

Car elle est flamboyante, la superbe hallali !

Sous les « bravos ! » copieux, les abondants « youpi ! »,

La forêt lamente le grand cerf tourmenté

Dont le sang sur les bois, proclame la curée...

 

 

 

 

DECES DE CHARLES-MARIE BUONAPARTE

24 février 1785 – Montpellier

 

 

Si je suis vaincu et que j’accepte mon tour,

Que je cesse le combat, fidèle à l’amour

Que vous m’avez porté ma tendre Letizia,

Cultiverez-vous le doux souvenir de moi ?

Il reste encore bien des pages à votre livre ;

Pour moi, vous voyez que je ne saurais vivre

Plus longtemps d'avenir. Et pour votre héritage ?

Je vous laisse mes cinq fils et trois filles en gage !

Au moins de l’un devrait produire votre fortune.

Si ce n’est l’un ou l’autre, alors ce sera l’une.

 

                   

 

PREMIERE ASCENSION CONNUE DU MONT BLANC

Par Jacques Balmat et le Docteur Paccard

8 Août 1786 – 8h23

 

 

La neige partout ; partout la neige. Le blanc

Inondait les regards épuisés. Du levant

Au coucher, les visages émaciés étaient

Un rempart contre le vent glacé qui gelait.

 

Le vent redoublait et les dents vibraient encore

Quand le sommet se dévoila ; le froid d’abord

Et la joie ensuite. C’est l’ordre des choses ;

Le Mont-Blanc imposant n’était pas en cause !

 

Ce théâtre – conspirant sous le froid neigeux – 

Semblait un conflit ancien de diables et dieux

Jaloux du triomphe nouveau des deux destins.

Le soleil sur la neige fit son œuvre enfin.

 

Les yeux, brulés par le flot de lave blanche,

Se fermaient, paraissant deux globes étanches.

L’un voyait à peine ; l’autre ne voyait plus rien !

Voilà où entraine une arrogance d’humain.

 

                               

 

 

 

LE SALON D’ANNE-CATHERINE HELVETIUS

4 septembre 1786 – Paris

 

 

La poussière s'étend sur les vieilles idées,

Et l’on parle, prudent, près du vieux mobilier,

Où résonnent encore, entourées de silence,

Les voix des philosophes ; car ici on pense !

 

Hantés par tant d’hommes stupéfaits et hagards,

Rôdent derrière ces murs des conceptions bizarres

Que prononcent encore des lèvres familières

Sur des âmes posées, songeuses et sincères.

 

Et de rouge déjà, la vie se bariole.

Désuète solitude, fugace gloriole !

Les mots qu’on profère, pareils aux armures

Sont idées nouvelles ; déjà des blessures…

 

 

 

CHANSON DE VIEILLESSE

3 janvier 1787

 

 

Ornons nos vieilles pensées de nouvelles rengaines

Et faisons refleurir, fées et croquemitaines,

Ces tuteurs de l’enfance, glabres ou barbus,

Qui aident à finir, une vie déjà bien bue !

 

 

                               

 

 

LES MANOUVRIERS

7 avril 1787 Paris

 

Le travail surgit à quatre heures du matin

Et les vomit, fourbus, à sept heures du soir ;

Ils vont à la ville, efflanqués pantins,

Leurs salaires s'écoulant dans de méchants bars.

 

Ils ont pour compagnes des femmes bien pâles,

Pieds nus dans la boue et la tête renversée.

Hâtant la cadence, emportant un châle,

Elles masquent leurs yeux, leurs mirettes délavées. 

 

Des enfants crasseux accompagnent ces vieilles,

Dissimulant parfois un quignon de pain ;

Pour ces nains, dehors ou dedans, c’est pareil !

 

Quand la nuit revient, tous se jettent dans un coin

Du pauvre logement en voulant se blottir

Et supplient de dormir pour rêver et fuir !

 

 

 

                               

LA BEAUTE EST UNE CHOSE TERRIBLE

20 juin 1787 – bal des prétendantes

 

 

C’est une femme qui irradie, qui étincelle,

Qui éblouit tout d’un éclat surnaturel,

Qui fait que tous secouent la tête, incrédules,

Devant ses cheveux noirs qui dansent et ondulent.

 

Autour d’elle, les hommes, en tout petits moineaux,

En naufragés, aspirent à son doux vaisseau.

Elle donne quelquefois des miettes de sourires,

Nourrissant un brasier que nul ne veut détruire.

 

Oui, la beauté est une chose terrible,

Car elle entrevoit des victimes disponibles,

Attirant ses proies dans son ordre violent,

Empilant les victoires en divin conquérant !

 

 

 

 

 

LA CORDELETTE DE L’EMPOISONNEUSE

8 juillet 1787 Toulouse

 

 

Je contemple la courte cordelette,

Et cette belle dame, dont l’amulette

Représentant une viole de gambe,

Allait accomplir un croque-en-jambes.

Va-t-elle ici, dédommager Belzebuth ?

Ses œillades consternées tout azimut

Semblent assurément nous maudire

Et lamper avidement le noir élixir !

La foule pressée grossit démesurément ;

Seuls les hourras de quelques enfants

Désorganisent le silence éphémère.

Et déjà, le cou tordu se resserre !

Voilà ! La jolie cordelette efficace

Est de celle que la mort pourchasse,

Qui enserre la dame et l’a rabougri,

Laissant son malingre espoir démuni ;

Des contraltos en bois de palissandre

Révélant la beauté de la Cassandre,

Emmitouflée d’une corde au cou, et – clic !

Embaument l’assistance de musique.

Alors, telle une belle escarpolette,

Maitres, nobles, badauds et soubrettes

Applaudissent au spectacle mortifère ;

Elle, virevolte légère dans les airs.

 

 

UNE AVENTURE AU PALAIS ROYAL

Du jeune Napoléon Bonaparte

22 novembre 1787 Paris

 

Près du boulevard des Italiens,

Je me promène à grands pas ;

Sur les allées, au matin,

Transi, supportant le froid,

Je vis cette personne ;

Nous étions en automne.

 

Une grande jeunesse m’emporte

Et, à n’en pas douter, oui,

Sur le seuil de cette porte,

C’est ce qu’on appelle une fille !

Son étrange timidité,

M’incite à lui parler.

 

Je ne suis qu’une buche

Cherchant un feu où brûler.

Une abeille sans ruche.

Une fleur sans été.

- Vous aurez bien froid, lui dis-je ;

- C’est une belle soirée, fit la maigre tige.

 

- C'est un métier morose

Pour un portrait angélique.

- Il faut faire quelque chose,

Et je n’ai pas le goût d’Amérique !

Non monsieur, il faut vivre.

Et je décidais de la suivre…

 

 

 

                               

LA DISPARITION

DE JEAN-FRANCOIS DE LA PEROUSE

A BORD DE LA BOUSSOLE

Océan pacifique, Vanikoro (îles Salomon),

avril 1788

 

 

Un air frais, transparent, lessive l’atmosphère ;

D’invisibles laboureurs semblent remuer la mer

Et le vent couche la pluie comme des épis de blé.

Voilà comment tout cela a commencé.

Le voilage, gonflé de l’ire d’Eole,

Rejette ce morceau de bois – la Boussole –

Vers les récifs et sa légende immense !

Déjà, on implore ce caillou : la France !

« Qu’allons-nous devenir ? Et pourquoi maintenant ?

Sommes-nous pire que d’autres hommes avant ? »

En haut des vagues, la mer est une cime ;

Là, commence le requiem maritime !

On se tient au grand mât et on s’y attache,

D’autres sanglotent dans la cale, s’y cachent,

Ballottés par les flots et le méchant courroux ;

Dans cet infini, des hommes prient à genoux !

Les bouches ouvertes et les yeux grands fermés,

Ce qu’ils sentent devant eux, c’est l’éternité !

En grappes extraites, chavirant à la mer,

Un à un, puis soudain, en bordées toutes entières,

Les mains entrouvertes et désarticulées,

Les marins jaillissent dans ce monde celé

Tel d’anciens sacrifices, acceptant de choir

Dans des vagues propices, expiatoires.

Le navire, pour cette ultime escale,

Cassé sur un écueil, libère ses malles

Et des lapis-lazuli – yeux écarquillés !

D’où émergent les figures bleues de noyés.

On ne voyait pas à quatre vagues devant soi,

Et les crabes, galets marchant, se réjouissaient déjà !

Et puis, le silence surprend !

Un oiseau déchire un nuage.

L’écume blanche lèche les rochers sages

Et enterre le trois mât, végétation de l’océan.

 

 

 

 

 

 

LA JOURNEE DES TUILES

Vue par une grenobloise, le 7 juin 1788

 

 

L’émeute gronde !

Lorsque les troupes souveraines

Entrent dans la ville, la fronde

Envisagée devient certaine ;

La foule se réfugie sur les toits,

Laissant les artères silencieuses.

Derrière ma fenêtre, peureuse,

Voici ce que je vois :

 

La rue, étroite,

Brille de cette gloire audacieuse !

Des hommes se battent,

Lançant depuis les toits, hideuses,

Des tuiles mortifères sur les soldats.

Ô mes frères, quelle pluie !

Le ciel cette fois ne nous a pas trahis !

Nous saurons ne pas être ingrats...

 

L'air est plein de rires,

On court, on boit, on fait des serments ;

- Voyons, madame, appelez-moi « sire »,

Instants sublimes où je suis le paon !

Nous venons d'ébranler l'univers...

Dix siècles durant, nous avons vécu

Rampants, serviles. O si nous avions su,

Qu'il suffisait de tuiles pour le faire....

 

                               

 

LES ACTEURS

21 juin 1788

 

 

Magnifique de repentance,

Les ouailles courbent le dos, vaincues,

Et retrouvent l'insouciance

De leur toute première vertu.

Chacun reprend alors son rôle ;

Le curé, le duc...et Nicole.

 

Le regard de la bonne société,

Distribuant moult compliments,

Accompagne la vie calibrée

De ces humains devenus géants !

Chacun lance au-dessus de l'épaule,

Une pupille curieuse et drôle...

 

Nicole dépose son plat chaud

Sur la table du maître, pressée ;

Elle fait dans le détail ce qu'il faut :

Ses charges, ses heures et ses corvées.

Ce soir, elle dormira près du saule

Quand le jour la crachera, molle.

 

Le duc, lui, donne un bal d'hiver

Pour les œuvres de la paroisse.

Ses filles admirent ce bon père

Et se coiffent devant une glace.

« Le spectacle sera frivole ! »,

Se disent ses filles, devenues folles !

 

Le curé libelle son sermon

Avec un enthousiasme prospère ;

Il y parle des anges, des démons,

Qui pullulent sur cette terre.

Dehors, un bel oiseau s’envole ;

A son accent,  un rossignol.

 

 

 

                         

LE VAGABOND

3 août 1788

 

 

Allongé sur le côté de la vieille route,

Un vagabond pétrifié sous la morne voute

Des étoiles, des nuages et des astres du ciel

Semble dormir, cueilli, tel un superbe miel.

 

Les fourmis arrivent, le mordent et voyagent

Dans la chair détruite, dans l'humaine cage,

Bientôt rejointes, accourant ventre à terre,

Par deux ou trois lombrics, dans ce froid univers.

 

La vermine pullule de cette abondance,

Et le corps boursoufflé par l’ancienne souffrance,

Montre un ventre ouvert sur ses rouges entrailles

Que le soleil brulant du mois d'août travaille.

 

Bouche béante, seule une langue sort,

Sans plus un son de ce muet changé en port,

Vidé de sa cargaison, carcasse légère,

Tel un vieux zingaro en terre étrangère.

 

 

                                                           

UNE SOIREE AU CHATEAU

18 août 1788

 

 

La comtesse, tresse ses lianes de cheveux ;

Le comte, compte l’or accumulé au jeu ;

Le château, charme sitôt le soir dévoilé

Et l’on danse, en France, aux feux de l’été !

 

Les muses frivoles endorment les têtes ;

Les danseurs, derviches tourneurs, font la fête ;

Les domestiques, hommes sceptiques, bêtes,

Courent les coursives, les tables, s’inquiètent.

 

Dehors, de l’or du comte, on voit brindille !

Partout, partent mous, les danseurs de quadrille ;

Les âtres ? Attirails de plâtres ! Les filles ?

Parfumées par l’été qui les déshabillent...

 

 

 

 

 

BONNE FAMILLE

19 août 1788

 

Un piano dévore

Le silence de la vie

Les enfants sont assis

Ils regardent dehors

 

Vers les champs immobiles

Et les semis d’avril

Où plongent les étourneaux

Qui bénissent les faulx

 

Delphine approche

Et propose à boire

Elle pose la bouilloire

Et deux brioches

 

On sellera les chevaux

Les enfants crient bravo

Et réveillent le matou

Puisque le temps est doux

 

 

                               

 

LE MONDAIN

3 septembre 1788

 

 

J’aime la vie, j’y crois et je la cultive ;

J’accepte tout ce qui vient de la nature.

Le soleil, les arbres, toute l’armature

Donné par le tout puissant – bontés excessives !

 

La vie est un court itinéraire intérieur

Qui nous propose, gourmande, mille chemins ;

On musarde, on espère et même on se souvient ;

Ce sont ces sensations qui font battre le cœur ! 

 

Que le temps soit mauvais, et toujours il passe.

Qu’il soit bon un moment, il faut le retenir !

Je veux connaitre jusqu’à la fin mon plaisir,

Et m’enrichir de cette minute de grâce !

 

 

 

MANESCA PILLET

15 septembre 1788 Caserne d’Auxonne

 

 

Ce soldat est un marcheur infatigable ;

Il préfère les lieux ombragés au soleil

Qui échauffe les esprits, et qui accable

Les longues flâneries et les petits orteils !

 

L’accent italien de ce compère

Fait sourire ou se moquer ; c’est selon

Que l’on soit, comme lui, un pauvre hère

Ou fils de quelqu’un ; quelqu’un avec un nom !

 

Alors, il se réfugie dans les études.

L’histoire ; les lettres ; les mathématiques.

Ceci a plus de valeurs que les turpitudes

Pour qui est un ambitieux d’Amérique !  

 

Il veut tout ; le mérite plus que les autres !

L’amour ! La réputation et la richesse !

A défaut de messie, il sera au moins apôtre ;

Au moins général, à défaut d’être altesse !

 

C’est encore un jeune lieutenant en second,

Mal coiffé, fort maigre, mais très présomptueux

Qui rencontre l’amour et ses doux violons

En Manesca Pillet, au détour de ses yeux.

 

Il demande la main de la jolie fille.

Eclatant de rire, le paternel lui dit non !

- Quoi ? Ma belle sirène ? Et pour cette anguille

Au prénom ridicule de Napoléon !

 

 

L'ABSENT

12 novembre 1788

 

 

Le paysan frappe le sol, d'amertume,

De colère, tout autant que devant l'urgence ;

Il gifle la terre, ancienne coutume,

Pendant que sa femme craque le pain rance.

 

La neige recouvrira bientôt la vallée

Où culbutaient les quelques pommes de terre,

Et maintiendra le couple affamé

Dans le désarroi de sa pauvre chaumière.

 

Le souffle de la bise dans les fenêtres

Répand un chant lugubre et mystérieux

Dans le foyer orphelin du petit être ;

Ils étaient parents ; ils sont plus qu’eux deux !

 

Dans le jardin, derrière l’arbre endormi,

Les flocons gonflent le petit monticule

Où, maintenant, rêve de senteurs de prairies,

L'enfant assoupi sous les verts pédoncules.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LE DOUBLEMENT DU TIERS

Paris, 3 décembre 1788

 

 

Cette fin d’année est bien mathématique !

La question majeure ? Le doublement du tiers !

Le Clergé et la Noblesse désespèrent ;

Le Tiers-Etat prévoit des journées épiques !

 

Le péril est formé : une démocratie !

Bientôt, c’est le nombre qui fera la force !

On sent bien que l’idée n’en est que l’amorce :

L’équité générale, suivante saillie !

 

                                                       

L'HIVER EN ALSACE

24 décembre 1788

 

 

L'hiver s'est abattu sur l’Est de la France

Tout comme sur l'Europe ; en calamité.

Peu de gens de ces contrées ont souvenance

D’un froid pareil dans les montagnes, les vallées.

 

Déjà, le thermomètre marque moins dix-huit,

Dans les nuits congelées de début décembre.

On court, pressés, près des feux et des marmites,

Autant de lieux exquis, bienheureux aux membres

 

Durcis par bien trop de journées à l’extérieur ;

Le froid qui souffle est intense. Les moissons

Seront maigres. Partout, la vie passe, se meurt.

On redoute déjà la prochaine saison !

 

L'hiver, ennemi implacable, est si fort

Que les rivières sont muettes, pétrifiées.

Les sapins sont transis et les chênes sont morts.

Les vignes des plaines d’Alsace ont gelées.

 

Le froid fait périr les buses, les étourneaux,

Le gibier apeuré comme les habitants.

Les processions se suivent pour le « Dieu très haut »

Et sont marmottées par les vieilles et les enfants.

 

 
 
 

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